La pacte de préférence : définition et modalités

La pacte de préférence : définition et modalités

L’article 1123 du Code civil définit le pacte de préférence comme « le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. ».

Concrètement, le pacte de préférence a seulement pour objet le droit de priorité que le promettant consent au bénéficiaire dans l’hypothèse où il envisagerait de vendre le bien convoité.

Ce n’est en aucune manière la conclusion d’un contrat de vente définitif et la conclusion de ce pacte ne crée d’obligations que pour le promettant. Cet engagement n’est conditionné que par la décision du promettant de vendre. Il demeure libre de ne pas vendre et réciproquement le bénéficiaire du pacte est libre, lui aussi, de ne pas exercer son droit de préférence. À l’inverse de la promesse unilatérale de vente, la validité du contrat de vente définitif dépend de la volonté du promettant.

Les conditions de validité

Défini comme un contrat, la validité du pacte de préférence est soumise à certaines conditions comme énoncé à l’article 1128 du Code civil :

  • les parties doivent être capables et avoir consenti au pacte ;
  • le pacte a pour objet de créer à la charge du promettant l’obligation de négocier en priorité avec le bénéficiaire les termes du contrat définitif ;
  • le bien ou l’opération sur lequel porte le droit de priorité doit être défini avec une grande précision.

 

Le prix

Ni la loi ni la jurisprudence n’exigent qu’un prix de vente soit déterminé ou déterminable dans le contrat dans la mesure où aucune des parties n’a donné son consentement définitif. Un arrêt du 5 janvier 2003 (3ème civ., 15 janvier 2003, n° 01-03.700) va d’ailleurs en ce sens : « la détermination du prix du contrat et la stipulation d’un délai ne sont pas des conditions de validité du pacte de préférence. ».

La durée

Tout comme le prix, la durée du pacte n’est pas un élément de validité (v. en ce sens 3ème civ., 15 janvier 2003 précité) sous réserve de la prohibition des engagements perpétuels.

Le pacte de préférence conclu pour une durée déterminée est valable. Le promettant ne disposera plus d’une faculté de résiliation unilatérale, sauf à établir la durée manifestement excessive de son engagement (Cass. Com., 27 septembre 2005, n° 04-12.168).

La publicité

Du simple fait que le promettant ne donne pas de consentement définitif à l’acte de vente, l’accomplissement des formalités de publicité n’est pas non plus une condition de validité du pacte.

L’inexécution

Du fait du promettant

Étant un contrat, le pacte de préférence est pourvu de la force obligatoire conformément aux articles 1193 et suivants du Code civil. En cas d’inexécution, le promettant engage sa responsabilité contractuelle.

La violation du pacte du fait du promettant se produit lorsque :

  • il conclut le contrat avec un tiers sans avoir engagé de négociation avec le bénéficiaire du pacte, donc sans respect des droits de priorité du bénéficiaire du pacte,
  • ou après avoir engagé des négociations avec le bénéficiaire du pacte et lorsque celles-ci n’ayant pas abouti, il formule une offre plus favorable à un tiers (Cass. Civ. 3ème, 29 janvier 2003, n° 01-03707).

 

Du fait du tiers

L’article 1200 du Code civil précise que « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat. ». Par conséquent, le tiers qui aurait connaissance d’un pacte de préférence ne saurait contracter avec le promettant sans s’assurer au préalable que celui-ci satisfait à son obligation de négocier en priorité avec le bénéficiaire du pacte.

L’article 1123, alinéa 3 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit d’ailleurs que « le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. ».

L’alinéa 4 du même article précise que « l’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte de préférence ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat avec le tiers ou la nullité du contrat. ». Par cette action interrogatoire, le tiers peut imposer au bénéficiaire du pacte d’opter, dans un délai raisonnable, à défaut de quoi l’offre qui lui a été faite par le promettant deviendra caduque. Il pourra alors se substituer au bénéficiaire sans risquer d’engager sa responsabilité délictuelle ni la responsabilité contractuelle du promettant.

La sanction de l’inexécution

L’article 1123, alinéa 2 du Code civil stipule que « lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers du contrat conclu. ».

Le bénéficiaire peut donc se retourner contre le promettant sur le fondement de la responsabilité contractuelle et contre le tiers sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Dans les deux cas, la réparation du préjudice se traduit par l’octroi de dommages intérêts.

La nullité du contrat

Lorsque le droit du bénéficiaire a été violé mais que le tiers est de bonne foi, il est impossible de remettre en cause un contrat valablement formé.
Lorsque le tiers est de mauvaise foi, l’article 2274 du Code civil énonçant que « la bonne foi est toujours présumée »  et que « c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver » , la charge de la preuve pèse sur le bénéficiaire.

C’est à la Cour de cassation de se prononcer sur le fait de savoir si le tiers qui n’a pas usé de l’action interrogatoire est présumé de mauvaise foi.

Dès lors que la mauvaise foi du bénéficiaire est établie, le bénéficiaire du pacte peut demander la nullité du contrat conclu en violation de son droit de priorité (v. en ce sens Cass. Req., 15 avril 1902, D.1903.I.38).

L’ordonnance du 10 février 2016 impose que le prononcé de la nullité soit subordonné à deux conditions cumulatives :

  • que le tiers acquéreur ait eu connaissance du pacte (Cass. Civ. 3ème , 26 octobre 1982, n° 81-11733),
  • que le tiers acquéreur ait eu connaissance de l’intention du bénéficiaire d’exercer son droit de priorité (Cass. Com., 7 janvier 2004, n° 00-11692).

 

L ’article 1123, alinéa 2 du Code civil prévoit, lorsque le tiers est de mauvaise fois, que le bénéficiaire du pacte, en plus de la nullité du contrat, puisse obtenir du juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.

Le pacte de préférence est un contrat encadré par des règles très précises et contraignantes. En ma qualité d’avocat en droit commercial, j’assiste mes clients dans la rédaction ou l’analyse de ce type de contrat.

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