Licenciement économique déguisé : conséquences et sanctions

Licenciement économique déguisé : conséquences et sanctions

Entre le 1er mars 2020 et le 21 mars 2021, 8 303 procédures de licenciement économique étaient engagées en France dont 928 dans le cadre d’un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi). Mais depuis quelques années et suite à la crise du Covid-19, les licenciements économiques déguisés ont augmenté. Un point sur cette pratique et ses conséquences.

Pour rappel, il existe 2 types de licenciement, celui dont le motif est lié à la personne et le licenciement économique lié à la situation économique de l’entreprise (difficulté, cessation, sauvegarde de la compétitivité, évolutions technologiques) entraînant des suppressions de postes définitives ou des modifications du contrat de travail.

Le licenciement économique déguisé est une rupture du contrat de travail (faute, insuffisance professionnelle, rupture conventionnelle) dont l’employeur prend l’initiative alors qu’il aurait dû licencier le salarié pour motif économique.
En cas de licenciement économique déguisé, l’employeur n’a « officiellement » prononcé aucun licenciement économique alors que c’est bien la raison de ce dernier.

À noter : lorsque le salarié refuse des modifications de son contrat de travail, l’employeur peut le licencier et en embaucher un autre aux nouvelles conditions.

Des formalités contraignantes

En effet, les formalités d’un licenciement économique sont longues et contraignantes, la complexité augmentant avec le nombre de licenciements.
Entre autres mesures, l’entreprise doit consulter le Comité Economique et Social (CSE) sur les raisons et conditions du ou des licenciements. Cette consultation n’est pas obligatoire pour un licenciement individuel.

L’entreprise doit également en informer la Direction Régionale de l’Économie, du Travail, et des Solidarités (DREETS-DDETS) de son territoire.

Quelle que soit la taille de l’entreprise, l’employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures permettant d’éviter le licenciement et si possible reclasser ses salariés.
La lettre de licenciement doit comporter l’énoncé du licenciement et la possibilité de pouvoir être réembauché (priorité de réembauche à la condition que le salarié en fasse la demande).

Ce sont pour ces raisons, sans oublier la publicité négative ou le désir de ne pas faire savoir que l’entreprise se porte mal, que certains employeurs font le choix du licenciement déguisé.

Irrégularité du licenciement

Si l’employeur ne peut démontrer la réalité du licenciement personnel, puisque le véritable motif est économique, le licenciement est irrégulier et le salarié, saisissant le Conseil des prud’hommes, pourra obtenir des dommages et intérêts.
Si le licenciement concerne au moins 10 personnes et qu’elles peuvent démontrer que leur employeur aurait dû les licencier pour motif économique, l’article L.1235-10 du Code du travail prévoit que le licenciement intervenu en l’absence d’un PSE ou de toute décision de validation ou d’homologation par la DIRECCTE est nul.
Lorsqu’un juge remet en cause un licenciement pour motif économique ou la régularité de la procédure de licenciement, les conséquences de sa décision varient selon que le licenciement a été déclaré nul, irrégulier ou injustifié.
Dans le dernier cas, l’employeur peut alors se retrouver dans l’obligation de réintégrer sous certaines conditions ces salariés. Ceux-ci sont d’ailleurs en droit d’obtenir un rappel de salaire correspondant à la période d’éviction entre leur licenciement et leur réintégration effective.

À noter : la réintégration possible se fait sur proposition du juge uniquement dans les conditions cumulatives suivantes : le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté, l’entreprise emploie au moins 11 salariés, ni l’employeur ni le salarié ne s’oppose à la réintégration. Et le salarié conserve les avantages acquis avant le licenciement.

Sanctions pénales

  • Certains manquements en matière de licenciement économique caractérisent aussi un délit pénal.
  • La méconnaissance des dispositions relatives aux critères d’ordre de licenciement est punie d’une amende prévue par les contraventions de 4ème classe soit un montant de 135 € (art. R.1238-1 du Code du travail).
  • En cas de licenciement économique collectif (au moins 2 personnes), l’absence de consultation du CSE, considérée comme une entrave à son bon fonctionnement, est punie d’une amende de 7 500 € (art. L.2317-1 du Code du travail).
  • L’absence de consultation du CSE spécifiquement prévu en matière de licenciement collectif est punie d’une amende de 3 750 € (art. L.1233-29, L.1233-30, L.1233-34, L.1233-35 du Code du travail). Cette amende est prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés (art. L.1238-2 du Code du travail).
  • La non-information de la DIRECCTE et le fait de procéder au licenciement sans cette notification est punie d’une amende de 3 750 €. Cette amende est prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés (art. L.1238-4 du Code du travail).
  • À partir de 10 licenciements pendant 30 jours dans une entreprise d’au moins 50 salariés, l’employeur doit respecter un certain délai pour l’envoi des lettres de licenciement. Le non-respect de celui-ci est puni d’une amende de 3 750 € autant de fois qu’il y a de salariés concernés (art. L.1238-3 du Code du travail).

 

Conséquences pour le salarié

Le licenciement déguisé prive le salarié de dispositifs d’indemnisation et d’accompagnement avantageux : contrat de sécurisation professionnelle (CSP), congé, reclassement, outplacement, indemnité de licenciement majorée, aide à la création d’entreprise…

Pour la Cour de Cassation, le défaut de cause réelle et sérieuse n’enlève pas à celui-ci sa nature juridique de licenciement économique. Le salarié peut ainsi prétendre aux bénéfices des mesures d’accompagnement prévues par un PSE (Cass. Soc. 14-02-2007 n°05-40.504) ou aux indemnités négociées dans un accord d’entreprise (Cass. Soc. 29-1-2003 n°00-46.018).

Et un arrêt du 14 avril 2021 de la Cour de Cassation vient de juger qu’un salarié privé des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à demander réparation (Cass. soc. 14-04-2021 N°19-19050).

Le licenciement d’un salarié, quel que soit son motif, est encadré par des règles strictes et précises. Le droit social est complexe, aussi en ma qualité d’avocat dans cette matière, j’assiste les salariés comme les employeurs dans ces démarches.

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